L'Efficience : surprenant mais compréhensible

jeudi 5 septembre 2013 à 17:50

Si j'ai popularisé le mot « efficience », peu connu jusqu'ici du grand public, le sens que je lui donne est personnel, et repose sur des réflexions et des sources que je propose dans mes articles.
C'est une approche originale de l'effort dans le cadre de la musculation (de la transformation corporelle). Cette approche remet en question les valeurs sociales dominantes.

En PRATIQUE, il s'agissait de répondre à la question suivante : « comment forcer très très peu (en intensité et en fréquence) et obtenir néanmoins des résultats importants, adéquats et rapides? »

Car, forcer très peu et n'obtenir que peu ou pas de résultats, tout le monde sait le faire...
Le véritable challenge était de créer une voie permettant de très fortement réduire l'investissement physique et psychologique, tout en garantissant des résultats pouvant être considérables.

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"La Méthode élimine la devise « No pain no gain » pour lui substituer : « Peu d'efforts, beaucoup d'effets ». On se libère en utilisant cette nouvelle boussole (ce phare) destinée à nous guider, à orienter nos pensées et actions. Il s'agit de ne plus dépenser une trop grande part de notre énergie dans le culte du corps : nous pensons nos actions dans la logique d'une culture de l'efficience. C'est-à-dire que nous viserons désormais un résultat maximal, sur la base d'une action qui sera aussi économique que possible. Pourquoi continuer à forcer alors que l'on a atteint le point où l'effort est suffisamment productif? Pourquoi penser que la progression ne se fera que si l'épuisement est total? N'est-ce pas une attitude superstitieuse?

Reste à élaborer un entraînement permettant d'actionner cette logique de contrôle de l'effort. C'est ce qu'est, en pratique, la Méthode.

Je n'ai donc jamais dit qu'il fallait se la couler douce. Je n'ai jamais promis des résultats exceptionnels sans efforts.
« Peu d'efforts, beaucoup d'effets » est une devise qui propose de penser le contrôle de l'effort. Elle implique une organisation, de sa vie, de son entraînement, valorisant l'effort à bon escient, sans excès, sans conséquences néfastes (sur la santé, le psychisme et l'épanouissement personnel). C'est un effort sans culte de l'effort...

Il faut faire des efforts pour progresser, parfois de très importants efforts, les pratiquants le savent bien.
Mais ils doivent garder à l'esprit que l'effort n'est pas nécessairement synonyme de progression, et qu'il est préférable de ne point trop en faire pour progresser. Il faut faire « juste ce qu'il faut »..."


(cliquez ici pour lire la suite de l'article )

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Olivier Lafay

Musculation et dignité humaine

lundi 29 juillet 2013 à 09:37

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Les deux citations ci-dessous, de Gregory Bateson, vous permettront d'affiner votre perception des différences entre musculation élitiste (classique) et musculation efficiente (Méthode Lafay).

Steve et Pépito
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Vous pouvez me donner votre interprétation et votre sentiment dans les commentaires.



"Voici ce que je considérerai comme promoteur de la dignité humaine :
a) les séquences de comportement interpersonnel qui accroissent l'estime de soi d'un des acteurs sans diminuer celle des autres;
b) les séquences qui encouragent l'estime de soi chez tous les acteurs;
c) les idées générales et les conceptions de la vie qui nous aident à envisager nos rôles sociaux avec respect."




Arnaud et Denis
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"Si nous prenons l'exemple d'une culture qui conditionne l'estime de soi à une réussite supérieure à celles des parents et qui ajoute à ce modèle l'idée selon laquelle les possibilités de réussite sont limitées, de telle sorte que le succès de A doit forcément en priver B, nous obtenons alors un tableau qui doit nécessairement réduire la quantité totale de dignité humaine."



Guillaume et Mathias
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Dorian
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(vous pouvez cliquer sur les photos pour les avoir en grand format)
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Olivier Lafay

Quelle boussole choisir? L'efficience ou l'inaccessible?

mercredi 10 juillet 2013 à 19:03

Viser l'inaccessible
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et atteindre son possible
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Certains pensent que rêver de l'impossible permettrait d'atteindre le possible.
Cela justifierait ainsi leur vénération pour les athlètes dopés, alors qu'ils se proclament eux-mêmes de purs naturels.
Rêver de muscles inaccessibles et de charges qu'un humain ne saurait déplacer (ou alors avec aides chimiques) vous mettrait, selon eux, en condition d'atteindre votre plein potentiel (le "possible").

Mais rêver ne fait rien atteindre.
Il n'y a aucun lien logique entre le rêve et la concrétisation de quelque chose qui serait bien en-dessous de ce rêve.
Et pire encore :


"En nous efforçant d’atteindre l’inaccessible, nous rendons impossible ce qui serait réalisable."
(Robert Ardrey, cité par Paul Watzlawick)



Ne peut-on atteindre le possible sans même penser à l'impossible?
Est-ce que rêver de l'impossible va mécaniquement vous permettre de réaliser votre plein potentiel?
Certains pensent que c'est la génétique qui va déterminer les résultats possibles pour chacun, même si l'esprit de chacun n'aurait, selon eux, pas de limites (mind has no limit)... Toute limite du corps serait, pour eux, "génétique".
Cela voudrait alors dire que l'esprit "rêve de l'impossible", mais que le corps est soumis à des lois qui conditionnent à elles seules le possible. Dans ce cas, si l'esprit ne peut tout que dans son espace dédié, pourquoi penser que le rêve est en mesure de produire le possible?


Pourquoi ne pas plutôt s'occuper essentiellement de ce qui est réalisable?
C'est comme ça que fonctionne la Méthode.

Comment savoir ce qui est réalisable?
On sait ce qui est réalisable en :
1 - s'évaluant correctement.
2 - évaluant correctement un objectif.
3 - évaluant les outils à sa disposition.
Ce qui est réalisable l'est en fonction de compétences évaluées à un instant donné en fonction d'un objectif correctement défini.
Le réalisable est "relatif à"...
Pas besoin d'un impossible et de rêves de grandeur inaccessibles pour libérer son plein potentiel. Au contraire, l'impossible comme boussole remplit le sportif d'une grande tension et le mène à l'obsession, à la violence envers soi et à la blessure. Et, comme le souligne Watzlawick, ce qui était réalisable est alors devenu impossible.



Nota : les illustrations font référence au Mythe d'Icare (cliquez ici)

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Olivier Lafay

Teaser prochain article

mardi 2 juillet 2013 à 12:18

Le prochain article sera composé de 15 parties et sera diffusé sur le blog sous forme de feuilleton.

L'axe central de cet article sera constitué d'une analyse de mes rapports avec un auteur de livres de musculation qui a été une référence, mais qui ne l'est plus, un auteur désormais (presque) oublié. Un auteur que le développement de la Méthode Lafay semble désormais, et à jamais, confiner aux oubliettes, et pourtant il me faut parler de lui, poussé par une logique nécessaire que vous découvrirez dans l'article.
J'expliquerai en quoi il m'a influencé, et comment je m'en suis détaché, ressentant profondément la nécessité de trouver une autre voie que celle du "no pain no gain", et donc de de l'idéologie qui sous-tend la musculation traditionnelle et cette expression.

Ce sera l'occasion de traiter de nouvelles notions, propres à la Méthode Lafay, de les présenter tout au long de ces 15 épisodes dans leur rapport dialectique aux notions fondatrices de la musculation traditionnelle.

Comme je l'écrivais dans La construction d'un modèle alternatif :"La musculation avec haltères et machines a vu surgir à ses côtés des formes alternatives où l'utilisation du poids de son corps prime. Les sportifs sont sortis des salles, réhabilitant la gymnastique et l'effort rustique. Mais les valeurs qui sous-tendent la définition de l'objectif et l'investissement physique et psychologique n'ont guère été questionnées, ceci par manque de recul sur le conditionnement culturel de la pratique, qui conduit à toujours utiliser le même fond, quelle que soit la forme."
La plupart d'entre nous pense encore comme il y a 250 ans, étant bien peu au fait de l'histoire récente des idées, des nouvelles sciences et formes de pensées, de leur évolution sur les cent dernières années et des conséquences que cela peut avoir sur la musculation (vision et pratique).

Le conditionnement social provoque l'oubli et le désintérêt pour l'histoire des idées, des représentations du monde. Et chacun de considérer que les valeurs dominantes "vont de soi"... Et chacun, dans un monde de souffrance, de désirer, sans la voir ni même l'imaginer faute de moyens, une alternative. Tout en étant emporté, parfois avec délectation, dans le jeu de la compétition sociale à outrance, de la violence imposée aux autres, sur un océan chaotique, sans réel but, sommé de... s'adapter en détruisant et s'auto-détruisant.

Sans liberté, pas de choix. Sans recul, pas de liberté. Sans culture, pas de recul.
Le rapport que nous avons à la culture et le rapport que nous avons à la liberté sont identiques, symétriques, consubstantiels.
La culture étant ici définie comme l'utilisation d'outils autorisant la construction d'un recul critique, sur le monde, les autres et soi, comme je l'exposais déjà sans Stratégie de la motivation :
"Evoluer, c’est sortir de la culture grâce à la culture.
Le terme culture comporte deux acceptions :
La première est la panoplie de tous les éléments constitutifs d'une société : traditions, manières de parler, de se vêtir, de se comporter, d’entrer en relation… C’ est l'ambiance générale dans laquelle baigne tout nouveau venu dans un monde.
La seconde est constituée d’une réflexion sur la première. Il s’agit de prendre du recul, d’exercer son esprit critique, de mettre en doute le monde que l'on voit. Ce monde ne va pas de soi, il est « relatif ». En se « cultivant », on gagne de l’autonomie, on devient capable de rejeter les fausses évidences, les croyances erronées ou limitantes. On comprend pourquoi et comment chaque vie, chaque regard sur le monde, peut et doit être singulier. La culture, en ce sens, est la création d ’un être singulier.
Toute invention est le fruit de ce regard neuf produit par le recul critique."


C'est la possibilité d'un accès à la construction de ce recul critique que je propose en décortiquant depuis des années les liens entre conditionnement social et pratique "no pain no gain" de la musculation, une nécessaire relation de subordination. C'est une passerelle de culture qui ramène à soi.
Dans cette optique, je mets à votre disposition différents regards permettant d'éclairer les conditionnements et l'emprisonnement de l'âme qui en résulte. C'est pourquoi, je conclurai cette présentation de mon prochain article en vous proposant un regard singulier et paraissant prophétique à ceux qui n'ont pas encore pris connaissance de l'histoire des idées et valeurs, celui d'Aldous Huxley en 1932 :

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Pensez-vous, après lecture de ce texte, que la musculation traditionnelle puisse échapper à ce conditionnement et constituer un espace de liberté?

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Olivier Lafay

Petit théorème constructiviste

vendredi 31 mai 2013 à 08:23

Que vois-je par le trou de la serrure?
Mon propre regard.
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"Quand nous réagissons aux paroles et aux actes de quelqu'un, nous ne faisons pas que réagir à ces paroles et à ces actes. Nous réagissons aussi (et même davantage) à l'idée que nous nous faisons de la situation. Entre notre perception et notre réaction, il y a nos représentations, donc notre éducation et nos croyances.
Avant même nos perceptions, il y a nos représentations. Les représentations (et donc la subjectivité) orientent nos perceptions et nos réactions.
Nous réagissons un peu à l'autre, beaucoup à nous-mêmes."

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Vers l'âge de deux ans, l'enfant est capable de dire "je", et donc de se distinguer du monde et de se raconter. Il entre alors dans le monde des représentations du monde. En grandissant, il va paradoxalement penser qu'il peut être "objectif", qu'il voit le monde "tel qu'il est", puisqu'il se sent séparé (comme un observateur qui verrait le monde "réel" se déployer, depuis le trou d'une serrure, alors que lui-même resterait immobile et inchangé). Ce qu'il "voit", ce sont en fait ses représentations.

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[à noter que, si l'on réfléchit un peu, ce petit théorème éclaire les relations que nous entretenons avec la musculation, avec notre corps, cf cet article]
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Olivier Lafay

Le développement durable appliqué au corps

mardi 7 mai 2013 à 11:00

"Le développement durable est un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs."
Rapport Brundtland, 1987


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LA MUSCULATION VERTE

Ne retrouve-t-on pas, dans la Méthode Lafay, la logique du développement durable appliquée au corps?


a - La gestion des ressources.

Le capital corporel est exploité en ayant une vision à long terme. Il ne s'agit pas d'amener son organisme à la destruction en cherchant un profit à court terme. Par profit, j'entends le développement exclusif du muscle. On apprend à gérer ses efforts afin d'éviter un épuisement précipité des ressources qui conduit à la fatigue et aux blessures. La musculation, outil de construction de soi, ne doit pas être énergivore. Elle ne doit pas devenir non plus une activité chronophage, qui étoufferait dans l'oeuf le développement de nos autres potentialités, ou le limiterait. La souffrance, psychologique ou somatique, provient de ces potentialités oubliées ou gâchées, elle provient de déséquilibres. Aussi, pour atteindre l'harmonie (l'épanouissement), on apprendra à éviter le gaspillage.

b - Le respect du potentiel exploitable.

On ne veut pas faire croître le corps malgré lui, mais avec lui. Il s'agit d'apprendre à dialoguer avec soi, pour que la construction se fasse dans un état de paix intérieure. Le pratiquant apprend à regarder son corps autrement que comme un objet de consommation immédiate dont seule l'apparence compterait. Il apprend à écouter ce corps qu'il ne veut plus contraindre comme il le ferait d'un adversaire, mais qu'il envisage désormais comme un partenaire. Plutôt que de se comporter comme un prédateur envers lui-même, plutôt que de s'utiliser sans se respecter, il entreprend des jeux à sommes non nulles, avec lui-même, avec son environnement.

c - La croissance autrement.

Se considérer soi-même comme un partenaire, rechercher l'harmonie, n'exclut ni la croissance, ni la performance. En privilégiant le dialogue avec soi et l'environnement, plutôt que la contrainte prédatrice, on peut aller très loin, beaucoup plus loin qu'en se pillant soi-même. Et ceci plus facilement.



La Méthode Lafay, pour promouvoir et mettre en place un développement durable, subordonne la construction du corps à la construction de soi , en actionnant de manière efficiente une logique de contrôle de l'effort.
Les résultats des pratiquants expérimentés montrent qu'un compromis rationnellement construit est au moins aussi efficace à court terme qu'une focalisation exclusive sur la performance (la prise de volume étant aussi une performance). A long terme, il sera beaucoup plus efficace, du fait même de son efficience.


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Olivier Lafay

Ostéopathie, les premiers pas (avec Géraldine Fournel)

mercredi 20 mars 2013 à 19:05

Benjamin
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Ceux qui suivent régulièrement ce blog le savent, lorsque l'on veut transformer son corps tout en maîtrisant un tantinet sa trajectoire de vie, il importe de subordonner la construction du corps à la construction de soi.
Si l'on veut répondre favorablement aux exigences sociales contemporaines d'adaptation permanente, sans être détruit, et se déployer dans le monde de manière satisfaisante et durable, le muscle ne peut être une fin, seulement un moyen. Et l'entraînement devient périphérique au lieu d'être central.

Ce constat a pu engendrer une inquiétude légitime, puisque les théories classiques, en musculation, postulent qu'il n'est guère envisageable d'obtenir un physique athlétique et esthétique sans y investir une part majeure de ses ressources (énergie, émotions, imagination, temps, relations, argent, etc.).

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Il est néanmoins devenu possible, et la Méthode Lafay l'a amplement démontré, de diminuer considérablement l'investissement physique et psychologique dans la pratique de la musculation, sans porter atteinte aux résultats attendus, bien au contraire. Cette approche, rendue effective grâce aux outils théoriques et pratiques rangés sous le concept d'Efficience, lie dans une même structure haute technicité de l'entraînement et maîtrise graduelle du contexte.

Mes livres, mettant en forme les outils de l'Efficience, proposent une structure linéaire, qu'anime un processus circulaire, ainsi que les toutes premières voies d'accès à la notion de contexte. Les articles du blog affinent davantage les outils pratiques, pour un entraînement toujours plus précis et technique, et se proposent d'offrir de nouvelles voies d'accès au contexte, tout en élargissent celles déjà abordées dans les livres.

Dorian
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Qu'est-ce que le contexte? Ce sont tous les éléments qui influent sur notre vie, qui la contraignent, en bien ou en mal. En tant qu'individu, nous évoluons dans un contexte biologique, social, matériel, environnemental, historique et idéologique. Nous sommes façonnés par ce contexte (nous sommes produit) et nous le façonnons par nos actions (nous sommes producteur). Nos relations au monde, aux autres et à nous-mêmes (et donc à notre corps) ne peuvent être séparées du contexte.
Si nous désirons que ce contexte nous serve au mieux, notamment dans notre quête d'un meilleur physique, nous devons appréhender les règles qui le constituent. Notre propre contexte de vie peut limiter notre progression musculaire et, par manque de connaissances, nous pouvons êtres amenés (inconsciemment) à façonner un contexte qui renforcera ces limites, voire en créera de nouvelles.
La frustration, la rage, le désespoir, et même le dopage, ne sont pas loin.

Thomas et Rudy
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Mieux comprendre le contexte, c'est pouvoir penser ses objectifs, ses modèles, ses relations, son investissement et se reprogrammer dans le sens d'un comportement adapté à la poursuite d'objectifs adéquats, modifiables à chaque instant par l'analyse critique. En clair, c'est gagner en souplesse comportementale, pour un mieux-être. C'est se mettre en condition de pouvoir « danser avec la vie » (cf Edward Hall), de la « surfer » (cf Joël De Rosnay).

Les textes présent sur ce blog visent cet objectif : donner à chacun des outils pour qu'il élabore sa propre structure fonctionnelle de rapport au monde, aux autres, à soi. Plus la maîtrise, dans l'élaboration de cette structure globale, s'affirme, plus il est aisé de développer son corps avec un investissement physique et psychologique réduit. L'Efficience produit la maîtrise et elle en est le produit.
Il ne s'agit donc pas d'écrire pour écrire, de faire de l'art pour l'art, de la pensée pour la pensée, mais bien plutôt de produire de la pensée utile pour l'action : de nourrir et stimuler l'action efficace.

Les articles présent sur ce blog relient l'Histoire à votre corps, la société à votre corps, vos relations affectives à votre corps, votre propre histoire à votre corps, etc. Ils replacent le muscle dans la perspective d'un vaste réseau, dans la « structure qui relie » (cf Gregory Bateson), en examinant les relations entre tous les éléments constitutifs du contexte.
Dans cette optique, les articles sur la médecine ou tout autre sujet qui ne semble pas, en apparence, directement lié à la musculation, sont légitimés par le projet de vous fournir les outils permettant la construction d'une autonomie fonctionnelle.
Il s'agit d'élargir notre vision du monde, de gagner en recul stratégique, afin de mieux ordonner nos actions, dans l'espoir de constituer un équilibre personnel satisfaisant.

On se met en condition d'accéder à cet équilibre autant par la maîtrise de nouveaux outils que par la réduction ou la suppression de déséquilibres existants. Et les causes de déséquilibres, dans notre vie, sont légions. Certaines difficultés, qui nous perturbent, peuvent être éliminées seul ou avec un peu d'aide, d'autres s'installent plus durablement et deviennent des problèmes. Des actions maladroites freineront l'évolution d'un traumatisme vers sa guérison, ou même augmenteront son potentiel de destruction.

Kilian Germain et Arnaud
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Si on se limite au seul aspect physique, les causes de déséquilibres sont plurielles : une mauvaise posture (exercice), un choc (accident, chute en sport, etc.), une alimentation inadéquate, les effets du stress (des tensions qui « s'inscrivent dans le corps », tendent les muscles et, limitant l'action, favorisent l'apparition de douleurs, usures, blessures).
De mauvaises compensations s'installent alors, instaurant un équilibre dysfonctionnel nécessaire à la survie dans l'immédiat, mais handicapantes et nuisibles à court, moyen ou long terme. Les handicaps invisibles ne sont pas moins dangereux que les visibles, puisqu'ils nous gouvernent à notre insu, avec des conséquences parfois dramatiques.

L'ostéopathie se veut être une des solutions susceptibles d'atténuer ou éliminer ces déséquilibres. Elle participe d'une gestion globale de soi où l'on agit autant pour prévenir que guérir, en étant conscient des liens existant entre tous les éléments du contexte. Le plus petit traumatisme pouvant avoir de grands effets systémiques, s'il est négligé ou méconnu.
Le suivi ostéopathique régulier permet d'augmenter la maîtrise du contexte.

Guillaume et Yassine
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L'article qui suit, est rédigé par Géraldine Fournel, « Ostéopathe officielle de la Méthode Lafay pour Lyon et environs », sans oublier, bien entendu, qu'il existe d'autres d'ostéopathes, sur ce secteur, aptes à s'occuper avec succès des pratiquants de la Méthode. Géraldine Fournel est tout simplement « mon » ostéopathe, et j'en suis très satisfait, tout autant que les personnes que je lui ai envoyées, d'où cette lumineuse appellation.
Vous trouverez dans le premier commentaire de cet article, une liste d'ostéopathes, au niveau national, construite à l'aide de vos propres retours.

Dorian
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1/ COMPRENDRE L'OSTÉOPATHIE

L'ostéopathie est une thérapie manuelle à ne pas confondre avec la kinésithérapie (qui lui est complémentaire), la chiropraxie ou bien encore la physiothérapie. Cela n'est pas non plus une thérapie qui traite uniquement les articulations osseuses. C'est une science précise qui se réfère à l'anatomie et à la physiologie du corps humains pour diagnostiquer et traiter par les mains les déséquilibres et les tensions présents dans notre organisme. Elle ne se trouve pas dans le champ de la rééducation du corps mais dans celle du traitement. Elle complète la médecine mais ne s’y substitue pas.

Le concept thérapeutique
Analyser le corps dans sa globalité pour trouver la véritable cause de la douleur : la cause primaire, celle qui engendre une série de symptômes secondaires pour lesquels on consulte et qui ne disparaitront que lorsque la cause primaire aura été traité efficacement.

L'examen clinique
Avant d'entrer dans un examen clinique un ostéopathe va tenter de cerner le patient dans sa globalité. IL y a t-il des antécédents médicaux, chirurgicaux ou familiaux? Un traitement médical est-il en cours? Quel est la santé du patient ? (sommeil, alimentation, moral, rythme de vie...) L'examen clinique lui se présente sous forme d'une série de tests médicaux, orthopédiques et ostéopathiques pour s'assurer que le patient entre dans notre champ de compétence. D'une part c'est une démarche fondamentale pour que toutes affections grave ou non qui débordent de notre pratique soit prise en charge par le thérapeute qui s'y rapporte.


2/ L'OSTÉOPATHIE DANS LE CADRE DU SPORT

L’ostéopathie est un outil de la réussite du sportif. Le facteur indispensable de la performance et de la longévité du sportif c’est sa préparation physique. Elle conditionne sa réussite. Physiologiquement l'entrainement va créer une spécialisation des fibres musculaires en fonction du geste répété. Cette transformation améliore le geste technique et optimise les performances. Cependant si la préparation à l'entrainement est aléatoire et appliquée sur un corps en désordre physique et/ou psychique, cette transformation rend l’organisme vulnérable aux agressions.
Or que l'on soit dans un objectif de performance ou de remise en forme l’efficacité dépend de ce que le corps peut donner. Est- il en mesure de donner le maximum ? Dans ce but, l'ostéopathie ouvre très largement son champ thérapeutique.

Quelques exemples :
. LES ARTICULATIONS OSSEUSES : Elles doivent être libres, sans blocage pour supporter les contraintes de tractions tendineuses et aponévrotiques.
. LES MUSCLES : ils doivent être correctement vascularisés et innervés pour augmenter leurs capacités de résistance tout en gardant leur souplesse et leur élasticité. Un muscle même volumineux doit conserver ces paramètres.
. L'APPAREIL DIGESTIF : Lorsqu'il est sain, il est un gage supplémentaire de récupération physique, et pour bien fonctionner; organes et viscères doivent pouvoir bouger et glisser avec toutes les structures qui les entourent.
. LE SYSTEME NERVEUX : On l'imagine comme une balance en équilibre. Une partie est stimulée dans l'action, l'autre partie dans la récupération. Un déséquilibre de la balance va engendrer fatigue, stress, douleur musculaire et digestive.

PRINCIPALES PATHOLOGIES DE LA MUSCULATION :
Lombalgies
Dysfonctions ceinture scapulaire et pelviennes
Tendinites des membres supérieures et inférieurs


3/ EXEMPLES : TECHNIQUES DE CORRECTION SUR L'EPAULE

Complexe articulaire de l’épaule droite face antérieur
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a/ Fermeture de l'angle acromio-claviculaire :
Douleur sur la partie externe de l'épaule irradiant parfois dans le deltoide.
La rétropulsion de l'épaule est limitée.
Les principaux exercices douloureux: DIPS (exercices B) et POMPES TRICEPS (exercices A3 à A12)

Normalisation d'une dysfonction de fermeture de l'angle acromio-claviculaire
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b/ L'articulation gléno-humérale en dysfonction de supériorité :
Claquement ou grippage de l'articulation.
La rotation externe de l'épaule et l'abduction à 90° du bras est douloureux.
Les principaux exercices douloureux: DEVELOPPE MILITAIRE, TRACTIONS LARGES ( exercices I1 à I4).

Normalisation d'une dysfonction de supériorité de l'articulation gléno-humérale
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N'hésitez pas à poser vos questions dans les commentaires suivant cet article.

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Olivier Lafay

Musculation constructiviste

mardi 19 mars 2013 à 16:09

"Ah ! misère !… Écoutez les mortels mettre en cause les dieux ! C’est de nous, disent-ils, que leur viennent les maux, quand eux, en vérité, par leur propre sottise, aggravent les malheurs assignés par le sort."
Homère (L’Odyssée)


"Pour le constructiviste, la vie est un jeu à somme non nulle : les joueurs gagnent tous, ou perdent tous. La condition sine qua non de toute vie sociale n'est pas la compétition mais la coopération. Mais le prix d'une telle conception du monde, c'est qu'il faut remplacer la notion d'objectivité par celle de responsabilité."
Lynn Segal


Apprendre à coopérer avec soi, les autres, le monde...
La Méthode Lafay fonctionne selon ce principe. Ses résultats remarquables montrent que, lorsqu'il s'agit de transformer son corps et prendre en charge sa santé, la coopération vaut effectivement bien mieux que la compétition.

Responsabilité = cultiver l'efficience = coopération.






Articles complémentaires (cliquez sur le sujet qui vous intéresse) :
Sur l'Efficience (la nouvelle voie du muscle)

sur les liens entre responsabilité et coopération

sur la responsabilité

sur la gestion de l'énergie

sur la gestion de l'effort

sur la compétition avec soi-même

sur le "no pain no gain", la compétition avec soi-même en musculation

Sur notre société, qui exige paradoxalement adaptation et responsabilité tout en magnifiant la seule compétition

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Olivier Lafay

Saltus perceptuel

lundi 11 mars 2013 à 11:45

"Autre concept important, le changement n'est pas linéaire. Voilà pourquoi, sur une échelle de zéro à dix, nous procédons dans l'ordre, du un au dix mais, comme on l'observe dans la nature pour tous les phénomènes naturels climatiques, physiques et biochimiques, notre progression n'est pas linéaire. Les changements ont des sauts, comme le décrit la théorie des catastrophes, ou alors ils se font en spirale et donc ils vont en avant, puis en arrière, puis en avant, où le fait d'aller en avant revient à revenir en arrière, pour ensuite avancer."
(Giorgio Nardone)

La majorité des approches linéaires et rationalistes visant le changement ne prennent pas cela en compte. C'est le cas de la musculation classique, dont les cycles et planifications sont rigides ou assez rigides, soumis au "principe de réalité" déterminant la voie à suivre (la croyance dans le No pain no gain).
L'adaptation est forcée, et la tentative de soumettre les cycles naturels à des "cycles de papier", si elle donne des résultats à court terme, conduit à l'épuisement de l'individu à plus long terme (blessures, pathologies mentales et physiques diverses). Cette pratique induit et justifie le dopage, car les drogues sont alors le seul moyen d'échapper aux blocages résultants d'une confrontation perdue d'avance avec un "réel" que l'on veut soumettre (au lieu de coopérer avec lui).

La Méthode a développé les concepts de Boucle et Mini boucle, où le cycle est au coeur même de l'entraînement, cherchant à épouser au plus près les cycles naturels, se greffant sur "l'ordre des choses" et produisant une transformation silencieuse. L'adaptation (la transformation corporelle) n'est plus forcée, elle est juste "invitée à se produire". Le principe de la Méthode est de créer les conditions pour que l'évolution se produise quand elle est possible avec un minimum de heurts, de violence envers soi et donc d'effets secondaires pénibles et désagréables. Comme dans le Yoga ou la stratégie chinoise, nous cherchons "le chemin de moindre résistance". Il s'agit d'apprendre à chevaucher son tigre.

Ceci n'est pas immédiatement perceptible de prime abord, surtout si l'on ne pratique pas, et ce malgré les textes de fond, qui informent, mais ne peuvent produire le déclic sans la pratique.
Aussi, c'est la pratique régulière de la Méthode, en suivant les prescriptions pour une bonne gestion de l'entraînement, qui conduit au Saltus perceptuel, c'est-à-dire un changement de perception de la "réalité" en ce qui concerne la meilleure façon d'obtenir du muscle. Peu à peu, de déclic en déclic, de petit pas en petit pas, on se débarrasse de l'a priori No pain no gain pour entrer dans une autre réalité, qui s'avère de plus en plus gratifiante.



"Il ne faut pas faire violence à la nature, il faut la persuader."
(Epicure)


Nota : Giorgio Nardone parle d'une "échelle de un à dix". Dans le cadre de la Méthode, il s'agit des niveaux 1 à 13. Ce qui signifie que la progression suit une avancée dans les niveaux, mais avec de fréquents allers et retours; le changement linéaire s'inscrit dans de petits cercles, eux-mêmes inscrits dans des cercles plus vastes, eux-mêmes inscrits dans de plus grands cercles encore, etc. La structure est linéaire, le processus est circulaire.
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Olivier Lafay

Médecine et constructivisme : vers des liaisons heureuses (Part II)

mercredi 13 février 2013 à 12:37

J'ai choisi, pour illustrer l'article ci-dessous, écrit par Raphaël Arditti, les photos de personnes dont les travaux ont permis de fonder le Constructivisme ou d'en alimenter le développement.
Il s'agit d'un nouvel extrait d'une liste d'auteurs incontournables sans qui la Méthode Lafay n'aurait pu voir le jour. Ces personnes m'ont permis de penser, élaborer et affiner la méthode.
D'autres références illustrent des articles précédemment publiés sur ce blog, vous les trouverez en section "Philosophie".

Place maintenant à l'article de Raphaël (la première partie de l'article est disponible en cliquant ICI).


Bonjour,

En tant qu’étudiant en médecine et pratiquant de la Méthode Lafay, j’aimerais montrer dans cet article comment les savoirs qui structurent la Méthode Lafay peuvent être selon moi transférés au domaine médical. En quoi le Constructivisme permet-il de repenser la formation des médecins, et comment ces derniers, une fois formés, soigneront-ils leurs patients ?
Comme nous le verrons, la prise en compte du contexte s’avèrera déterminante dans le but de proposer un enseignement ainsi que des soins de qualité.

Francisco Varela
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I. L’enseignement de la médecine : acquérir des compétences

Dans le cadre des études médicales, prendre en compte le contexte revient à porter son attention sur la situation des étudiants auxquels on s’adresse. Quelles sont leurs attentes, leurs contraintes, leurs ressources ?

On peut penser que ceux-ci cherchent avant tout à acquérir des compétences dans le but d’exercer un métier et donc un rôle dans la société. Dans cette perspective, la formation se trouve subordonnée à la pratique clinique. Plutôt que de viser une connaissance exhaustive du corps humain (anatomie, physiologie, embryologie etc.), elle doit travailler à sélectionner, dans les divers champs de savoirs constitués (sciences dures, sciences humaines), les informations à même de permettre une prise en charge globale du patient.

Une fois ce tri opéré, on se trouve en possession d’une masse de connaissance, certes réduite, mais désordonnée. La prise en compte du niveau de nos étudiants devrait nous permettre de dégager un point de départ : en prenant garde à ne pas commencer trop « haut », mais bien plutôt à débuter à un niveau qu’ils seront en mesure de maîtriser, nous favorisons leur sentiment de contrôle, leur motivation et donc leur réussite. Enfin, à présent que nous sommes en possession d’un point de départ et d’un point d’arrivée (objectif), il s’avèrera nécessaire d’élaborer de multiples étapes intermédiaires, afin d’amener sans encombre l’étudiant à destination.

Andrée Piecq
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Une fois le volet théorique achevé, on peut se demander comment l’articuler avec la pratique de terrain. Afin que les deux se conjuguent et s’interpénètrent au mieux, il est préférable de créer un va-et-vient permanent entre eux, plutôt que d’enseigner toute la théorie avant de passer à la pratique.
Dans ce but, on transmettra au départ des informations d’ordre général, qui devront permettre à l’étudiant de se diriger avec un minimum d’assurance vers la pratique. Puis, la confrontation aux situations de terrain créera d’elle-même le besoin de collecter de nouveaux savoirs. L’étudiant pourra alors se tourner vers les connaissances théoriques organisées précédemment par l’enseignant afin de nourrir sa propre pratique. Ces pérégrinations incessantes permettront aux connaissances théoriques de diffuser et de se sédimenter progressivement dans l’esprit de l’étudiant, sans que celui-ci cherche à forcer leur acquisition.

John Weakland
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II. La pratique de la médecine : une prise en charge globale

La prise en compte des contextes psychologiques et sociologiques dans lesquels survient la maladie amène le médecin à reconsidérer profondément la prise en charge de ses patients, notamment en prêtant une attention soutenue à la communication qu’il peut entretenir avec eux.
En effet, lorsqu’une maladie survient (phénomène biologique), elle se présente alors comme un élément potentiellement intégrable à notre histoire personnelle. Notre identité peut être en partie comprise comme un récit, où divers évènements ont été sélectionnés puis ordonnés chronologiquement, par nous ainsi que par notre entourage, dans le but de produire une cohérence à même de donner un sens à notre vie.
Ce récit, en fonction de ce qu’il raconte de nous, peut, à des degrés divers, rentrer en conflit avec l’événement « maladie ». Une personne se définissant comme une « battante », qui dans son histoire personnelle met surtout en avant les situations où elle est sortie victorieuse de nombreux combats, rencontrera probablement des difficultés à intégrer dans son récit l’annonce d’un grave cancer, dans le cas où celui-ci symboliserait pour elle une perte de contrôle.

Jean-Jacques Wittezaele
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Dans ce contexte, il semblerait que la relation thérapeutique ait pour premier objectif la réappropriation par le patient de sa maladie, la réintégration de celle-ci dans son récit personnel. Dans ce cadre, le praticien doit s’attacher à comprendre comment son interlocuteur considère le monde, les autres et sa propre personne. En utilisant son propre langage, en pénétrant dans son univers, il peut ainsi l’accompagner dans la construction d’une nouvelle cohérence, d’un nouveau récit de vie.

Les avantages d’une telle attitude vont se manifester à de multiples niveaux, notamment en permettant une relation de qualité entre le médecin et son patient, ainsi qu’entre le patient et lui-même.
En effet, la sensation d’évoluer dans un univers qui lui est familier amène le patient à davantage d’ouverture et de confiance, contribuant ainsi à l’instauration d’un réel confort psychologique propice à la guérison.

Se réapproprier la maladie permet également au patient de consolider son identité, de l’unifier. Un tel événement peut être en effet très déstabilisant car il n’est pas facile d’être dans le déni perpétuel : les défaillances du corps se manifestent régulièrement à la conscience, non seulement par les symptômes, mais également par l’attitude des proches ainsi que par les structures de prise en charge (hôpitaux, cliniques, maisons de soin etc.). Ces fréquentes perturbations mettent régulièrement en danger la cohérence et l’identité de la personne qui doit par conséquent lutter contre les autres et contre elle-même afin de préserver son récit.
A présent que la maladie fait partie de son histoire personnelle, elle n’est pas plus un élément extérieur qui lui échapperait : le patient se sent davantage capable d’exercer un pouvoir sur elle et il prend alors une place beaucoup plus active dans sa propre prise en charge.

Steve de Shazer
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Envisager les interactions entre les niveaux biologiques, psychologiques et sociologiques de l’individu peut ainsi nous permettre de conditionner au mieux la situation, en créant un esprit d’optimisme et d’enthousiasme chez le patient. Mais on peut également, sur le plan purement biologique, s’appuyer sur les organes qui interagissent avec l’organe lésé afin de mieux le soigner.
Deux exemples illustreront cette démarche.
En ostéopathie, on considère que les troubles affectant les organes profonds se répercutent sur les structures mécaniques : os, muscles, tendons, fascias etc. Ainsi, en soulageant ces structures directement accessibles par l’ostéopathe, on peut induire en retour un effet bénéfique sur les organes profonds. On fait alors l‘économie d’examens et de traitements à la fois coûteux et non dénués d’effets secondaires.
Il y a quelques mois, des chercheurs ont établis un lien entre l’activité de notre flore intestinale (1015 bactéries) et le fonctionnement de notre cerveau. On peut penser que cette découverte est potentiellement riche de promesses en ce qui concerne le traitement des pathologies cérébrales. En effet, le cerveau est un organe particulièrement bien isolé des vaisseaux sanguins, de par l’existence d’une barrière dite hémato-encéphalique.
Plutôt que de chercher à forcer cette barrière, pourquoi ne pas tenter d’atteindre le cerveau « de biais », en modifiant le fonctionnement de la flore intestinale dans le but de remédier au dysfonctionnement cérébral ?

Gregory Bateson
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Dans cette partie, nous avons vu comment la prise en compte du contexte (système) nous permettait de mieux prendre en charge un dysfonctionnement qu’on pourrait à tort considérer comme purement localisé au plan biologique. Mais la prise en compte du contexte ne permet pas seulement de contourner plus aisément les obstacles (maladies) qui se dressent sur le chemin de la santé. On peut également l’utiliser afin de réduire fortement la probabilité d’apparition de tels obstacles : ainsi, en maîtrisant son alimentation, en pratiquant une activité physique régulière, en cherchant à réduire son exposition aux toxiques et au stress, dans la mesure de ses ressources et de ses possibilités, on produit un contexte favorable à l’épanouissement de son organisme.

Richard Fisch
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Conclusion

En nous invitant à contextualiser nos actions, le constructivisme nous permet non seulement de mieux les orienter, par la création d’un objectif, mais il nous permet également d’identifier de multiples chemins pour y accéder. Si tout est lié, alors il existe de nombreux détours pour parvenir en un point du système et l’attaque frontale n’est plus l’unique solution. Ainsi, de même qu’il est possible de faire progresser les dips en bloquant momentanément cet exercice afin de se focaliser sur le reste de la triade, on peut également atteindre le cerveau en passant par le tube digestif, le corps par l’esprit, la théorie par la pratique. Cette multiplication de chemins possibles nous rend plus libre : notre éventail de choix est considérablement élargi et nous permet, dans chaque situation, de repérer puis d’emprunter un chemin de moindre résistance.

« Cultiver l’efficience en vous cultivant » (Olivier Lafay)


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Olivier Lafay

"Nul n'est plus désespérément esclave...

mardi 29 janvier 2013 à 23:39

que celui faussement convaincu d'être libre."
Johann Wolfgang von Goethe


« On a mal posé, peut-être d'ailleurs depuis mai 68, la question de la maîtrise, en considérant qu'un maître supposait toujours un esclave.
C'est une des grandes leçons à retenir de la philosophie antique : il peut y avoir des maîtres sans esclave. Et le bon maître est celui qui permet à son disciple de s'émanciper le plus vite possible de lui.
Cette tradition là est un peu oubliée : l'idée qu'on pourrait avoir des maîtres, qu'on pourrait revendiquer une filiation, une logique, qu'on pourrait procéder d'une école. »

Michel Onfray (Contre-histoire de la philosophie, vol 1)

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Olivier Lafay

Introspection du premier jour

mardi 1 janvier 2013 à 21:01

Vouloir jouer à un jeu sans en connaître les règles semble absurde, n'est-ce pas?
Pourtant, du point de vue relationnel, c'est ce que nous faisons presque tous, presque tout le temps.

Quand deux personnes sont en relation, si les deux ne connaissent pas les règles de la relation, celle-ci sera bien souvent source de conflits et de frustration.

Quand deux personnes sont en relation et qu'une seule connaît les règles, il y a possibilité pour celle qui les connaît de manipuler et d'influencer la relation (en bien ou en mal).

Les règles du jeu peuvent mener à la coopération ou à la compétition. A la construction, au maintien ou à la destruction.
C'est valable pour la relation avec votre corps (lors de la musculation, puisque c'est ce qui nous intéresse ici).

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Olivier Lafay

Introspection du dernier jour

lundi 31 décembre 2012 à 12:25

1 - "C'est le fait d'un ignorant d'accuser les autres de ses propres échecs; celui qui a commencé de s'instruire s'en accuse lui-même; celui qui est instruit n'en accuse ni autrui ni lui-même."
Epictète

La solution (ou le problème) n'est pas dans l'autre, ou en nous-mêmes, mais DANS LA RELATION (aux autres, au monde, à nous-mêmes).
Changeons la relation et nous changerons.


2 - Une question que chacun peut se poser, en cas de conflit ou de difficultés : "dans mon analyse, ai-je mis l'accent sur mes caractéristiques (mon "caractère") et celles de l'autre (ou du monde), ou ai-je mis l'accent sur la RELATION entre nous (entre les deux éléments)?"


3 – que se passe-t-il si, au lieu de penser «  il est comme ça, je suis comme ça >>> donc nous avons telle relation », nous inversons la mécanique de notre pensée pour dire : « nous avons telle relation >>> donc il est comme ça, je suis comme ça »?

En inversant la mécanique habituelle de notre pensée, on ne voit plus des individus/éléments (fixes) qui produisent une relation, mais une relation (modifiable) qui produit des individus/éléments (modifiables).
Nous sommes le produit de nos relations.


4 – que se passe-t-il si, au lieu de penser « je suis comme ça » ou « il est comme ça » ou » le monde est comme ça », nous pensons ceci : « « je fais ça », « l'autre fait ça », etc.?

Utiliser essentiellement le verbe « être », c'est figer des qualités et des défauts chez soi ou chez les autres, le monde, etc. Ce qui réduit grandement les possibilités d'évolution de la situation.
En utilisant le verbe « faire », on peut se pencher sur les actions et leur enchevêtrement, et on peut considérer les mouvements, les relations.
Et, en changeant une relation, on peut changer les termes de cette relation (les éléments, les individus).


5- en face de toute difficulté, une des premières questions à se poser est certainement : « quelles sont les règles du jeu? »
Quelles règles nous unissent, fondent notre relation (et l'entretiennent)?
Quel jeu jouons-nous avec soi-même, les autres, le monde?


6 – si on met l'accent sur la relation, les règles du jeu, et qu'on arrive à les extraire (prendre du recul) on peut alors tenter de se « déplacer » pour inaugurer une autre relation.
Ce « déplacement » change la relation, qui nous change en retour.


7 – tout ceci marche pour notre relation avec nous-mêmes, et donc pour notre relation avec notre corps. C'est dans la relation avec mon corps que se produit le changement.
Quelle relation ai-je avec mon corps quand je désire le muscler? Qu'est-ce que je fais, que fait-il, dans cette relation qu'est la musculation? Comment répond-il à mes actions? Comment ai-je tendance à répondre (invariablement) à ses réactions? Quelles sont les règles du jeu?
Efficience ou no pain no gain? Quelles relations? Pour quelles conséquences?


"Les individus construisent la réalité qu'invariablement, ensuite, ils subissent."
Paul Watzlawick

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Olivier Lafay

Médecine et constructivisme : vers des liaisons heureuses

mercredi 21 novembre 2012 à 09:40

Paul Watzlawick
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Raphaël Arditti, futur médecin, suit ce blog depuis plusieurs années. Il a ressenti, il y a environ un an, le besoin d'approfondir les savoirs que j'utilise et valorise dans mes articles. L'enseignement dispensé en médecine lui paraissait incomplet et inadapté à son fonctionnement d'alors.

Il s'est dit : « si Olivier a réussi à créer une méthode qui permet d’obtenir des résultats exceptionnels en musculation, il doit bien y avoir moyen de faire la même chose dans les études médicales. »

Il a donc acquis des connaissances, les a expérimentées, et ses progrès se sont concrétisés sous la forme d'interventions très pertinentes sous chacun de mes articles (pseudonyme : Carlo). Intéressé, je lui ai alors proposé de partager avec mes lecteurs sa vision des liens entre constructivisme, méthode et vie.

C'est cette vision que vous trouverez dans l'article ci-dessous. Le texte de Raphaël se présente à la fois comme un résumé et une interprétation de ce qu'est mon travail, sur la base de mes écrits auxquels s'ajoutent ses propres recherches.

Jean-Louis Le Moigne
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Edgar Morin
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Pourquoi venir sur le blog ?
Par Raphaël Arditti

C’est vrai ça, pourquoi ? Ne serait-ce pas une perte de temps ? Ce temps qui nous est tous si précieux.
Néanmoins, on peut tout de même s’étonner de l’énergie et du temps investis par Olivier pour rédiger, compléter et diffuser gratuitement ses articles. Il doit bien y avoir quelque chose d’important…

Ces interrogations se ramènent en fait à une question centrale : quel est l’intérêt du Constructivisme pour l’individu contemporain ?
Pour répondre à cette question, j’aimerais tout d’abord faire le point sur notre situation actuelle. Puis, une fois ce cadre établi, l’inadéquation de la musculation traditionnelle ainsi que son nécessaire dépassement par la musculation constructiviste (Méthode Lafay), apparaitront plus aisément. Enfin, en m’appuyant sur les éléments introduits dans la 2nde partie, j’essaierais de montrer, de manière plus générale, en quoi les concepts constructivistes peuvent s’avérer particulièrement précieux pour chacun d’entre nous.

Bonne lecture à toutes et à tous.


Ernst von Glasersfeld
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I. La situation de l’individu contemporain : l’exigence d’autonomie

L’élément probablement le plus marquant de notre situation actuelle, est la possibilité que nous avons de nous gérer nous-mêmes. Etre le capitaine de son propre navire, donner le cap, est en effet une avancée particulièrement récente.

« Pendant des millénaires, les individus n’ont pas été en mesure de « se réaliser ». Ils étaient soumis à un destin, dépendant de leur lieu de naissance, de leur milieu social et de la profession exercée par les parents. Un fils d’agriculteur devenait la plupart du temps agriculteur, un commerçant devenait commerçant, etc. » (Méthode de nutrition p.13).

Nous sommes donc contraint, dans tous les domaines de notre existence, d’orienter notre embarcation dans une direction plutôt qu’une autre, d’apporter des solutions adéquates et personnalisées aux nombreux problèmes qui nous assaillent quotidiennement.

« L’athlète du quotidien a fort à faire, il doit s’accomplir professionnellement, socialement et personnellement. Et ces trois modalités de l’épanouissement individuel sont très profondément imbriquées. » (Méthode de nutrition p.33)

A travers cette exigence d’autonomie, c’est notre identité qui est en jeu, car nos actions à la fois traduisent et construisent ce que nous sommes. L’individu contemporain est sommé de se construire lui-même.

Heinz Von Foerster
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II. Les outils à disposition de l’individu contemporain : l’exemple de la musculation

Dans ce contexte, la musculation semble permettre, par la construction du corps, de répondre en partie à l’exigence contemporaine de construction de soi.

Mais qu’en est-il vraiment ?

Lorsqu’on tourne notre regard vers la musculation telle qu’elle est pratiquée traditionnellement, on constate que les entraînements nombreux, longs, épuisants, ne laissent au pratiquant ni le temps ni l’énergie pour se consacrer à de nombreuses autres activités. Cette situation pose problème à l’individu contemporain, sommé qu’il est de se réaliser dans tous les domaines (personnels, professionnels et sociaux). Il ne peut donc plus se payer le luxe d’être totalement absorbé par une activité, de dilapider tout son temps et son énergie dans un secteur très précis de son existence.
Par conséquent, la musculation, telle qu’elle est envisagée habituellement, apparaît inadaptée au contexte actuel.
On a le sentiment qu’elle n’est plus considérée comme un moyen pour se construire, mais comme une fin en soi, le but étant d’en faire toujours plus.

La question qui se pose alors, est de savoir si cette finalité peut être questionnée, critiquée. S’il s’agit d’une finalité absolue, éternelle, ou bien d’une finalité élaborée par les hommes et donc potentiellement modifiable.
C’est à ce moment là que le Constructivisme entre en scène, car selon lui, la compréhension que nous avons du monde (ici, de la musculation) est construite. Cela signifie donc que le sens de la musculation, sa finalité, peut être réévalué, réadapté au contexte actuel.

Aujourd’hui, nous ne pouvons plus nous permettre de pratiquer une musculation aliénante, qui grignoterait toutes nos autres sphères d’activité, nous enfermant ainsi dans le culte du corps. Il nous faut, bien au contraire, une musculation qui subordonne la construction du corps à la construction de soi, qui nous laisse les ressources nécessaires à la réalisation de notre développement global, et qui même, y contribue.
La finalité de la musculation devient le mens sana in corpore sano.

« Je présente régulièrement la méthode comme "le meilleur compromis", car c'est comme ceci que je l'ai voulue et conçue pendant mes quinze années de recherche : une polyvalence athlétique obtenue en un minimum de temps de pratique. Une grande force, endurance, puissance, souplesse, détente, avec seulement 2 séances d'entraînement hebdomadaires; et même un gros volume musculaire avec 3 séances hebdomadaires et une alimentation hypercalorique. » (Le meilleur compromis 10/07/11)

A présent que la finalité de la musculation est clairement posée, il s’agira de produire un entraînement à même de concrétiser cette ambition. Concernant l’outil à utiliser, le poids du corps s’impose comme une évidence, car il est peu traumatisant pour l’organisme (économie d’énergie) et peut être utilisé n’importe où (économie de temps, d’argent et d’espace).

Les séances traditionnelles sont particulièrement longues, car elles se fondent sur une vision analytique du corps humain : les différents muscles sont isolés et exercés les uns après les autres, séquentiellement. De même, les qualités athlétiques sont strictement distinguées (endurance, résistance, force, détente etc.) et exercées spécifiquement.
Ainsi, plus l’on désirera exercer un nombre important de muscles ou de qualités athlétiques, plus les séances seront nombreuses et étirées dans le temps. Cette façon de procéder est très liée à la finalité de la musculation classique. A présent que notre projet est la polyvalence athlétique, obtenue de manière la plus économique possible, on cherchera à créer un système, où exercices, temps de repos et nombre de séries joueront le rôle d’éléments actifs, agencés rationnellement dans le but de faire émerger les qualités athlétiques recherchées. Les programmes ainsi obtenus, devront être par la suite agencés de manière progressive, afin d’amener sans encombre le pratiquant jusqu’à son objectif.

Non seulement la musculation traditionnelle dissèque le corps humain, mais elle clive également l’individu, l’esprit cherchant à soumettre le corps dans une confrontation héroïque et énergivore entre soi et soi. On préfèrera substituer à cette attitude, trop gourmande en énergie, la coopération avec le monde, avec les autres et avec soi-même (concept d’efficience). La structuration de l’entraînement doit ainsi permettre au pratiquant de contourner les obstacles qui se dresseront sur son chemin. La création d’espaces internet (forums, blogs) dédiés à la pratique de la Méthode, autorisera entraide et partage.

Enfin, ce système devra pouvoir être rapidement mis en pratique par le pratiquant (économie de temps et d’énergie), ainsi que présenter suffisamment de souplesse pour être en mesure de s’adapter à l’univers particulier de chaque pratiquant, ainsi qu’à ses objectifs propres, en terme de développement musculaire et de condition physique.

« Le succès de ma méthode, les remous qu’elle a suscités, les copies qu’elle peut inspirer, proviennent moins du fait que ce soit une méthode au poids de corps que le renversement radical des conceptions qu’elle a engendré en musculation.
Le renversement est effectivement radical : le délai entre le début de l’apprentissage et l’action efficace est considérablement réduit dans ma méthode. Le pratiquant dispose d’un ensemble d’informations l’emmenant directement vers l’action. Il change. » (Turbo p. 10)

Ainsi, en postulant que notre compréhension du monde est construite, et que cette construction se réalise par une remise en contexte de l’objet d’étude, le Constructivisme nous a permis de penser et d’établir une culture physique répondant aux exigences contemporaines.

Cloe Madanes
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III. Penser nos actions grâce au Constructivisme

En m’appuyant sur les éléments introduits dans la 2nd partie, j’aimerais montrer ici, de manière plus générale, en quoi les concepts constructivistes peuvent s’avérer si utiles à chacun d’entre nous ; notamment lorsque nous sommes confrontés à une situation d’échec.

Dans ce cas, nous avons le plus souvent tendance à nous acharner, à revenir à la charge encore et encore, en pensant finalement l’emporter.
Comment expliquer cette attitude ?
Certes, nos sociétés occidentales nourrissent la croyance selon laquelle la réussite doit s’accompagner de nombreuses souffrances (no pain no gain), mais il y a également des raisons plus profondes.
En effet, toute action se base sur une présupposition, sur un fond culturel qui informe sur le pourquoi et le comment de cette action ; qui lui donne son sens.

« La quête première de l’homme, dès lors qu’il a pu construire une adaptation à l’environnement qui soit favorable à sa survie, est celle du sens. Nous avons besoin de comprendre le monde et d’être compris par lui. » (Méthode de nutrition p. 28)

Si nous ne prenons pas conscience de ce fond culturel qui détermine nos actions, nous sommes condamnés au « toujours plus de la même chose ».

« L'image est donc celle d'un cercle infernal dont il faut sortir, et cela se fait en étant créatif, ouvert, en réfléchissant à nos conditionnements. » (Répéter jusqu’à en mourir 18/01/12)

Pour cela, le Constructivisme va s’avérer déterminant. En effet, celui-ci affirme que ce fond culturel est construit par les hommes et non donné, évident ou absolu ; il peut donc être modifié, déconstruit puis reconstruit.
Il s’agira, lors de la première étape (déconstruction), de prendre du recul sur la situation, en identifiant le pourquoi (but) et le comment (moyens) de notre action.

Suite à cette prise de conscience, deux types de modification pourront être envisagées.
Un changement superficiel : la finalité, le sens de notre action n’est pas modifié, car jugé approprié à la situation. Seuls les moyens permettant d’y parvenir seront réajustés.
Un changement en profondeur : la finalité de notre action n’est pas jugée adaptée au contexte, elle doit donc être modifiée.

Envisager que le sens de notre action n’est pas adapté au contexte, c’est donc inscrire cette activité dans un ensemble plus vaste. C’est comprendre cette action non pas en elle-même, comme une fin en soi, mais comme un moyen au service d’une finalité plus vaste.
On comprend donc que, pour l’individu contemporain, toutes ses activités doivent être subordonnées à un projet de vie global. Elles doivent jouer le rôle d’éléments actifs, agencés rationnellement dans un but : la réussite d’un projet de vie.
Quels sont les bénéfices d’une telle modélisation ?
Tout d’abord, ce projet de vie va jouer pour nous le rôle d’un phare : grâce à lui, nous allons pouvoir orienter plus aisément notre embarcation. Les prises de décision quotidienne s’en trouveront facilitées.
L’organisation rationnelle des activités sélectionnées, permet de penser les rapports entre ces activités : comment les coordonner au mieux afin d’éviter les conflits, les frottements, les pertes d’énergie ? Le concept d’efficience s’avère alors pensable et nécessaire. Il s’agira de réaliser l’association la plus productive possible, celle qui vous permettra d’atteindre aisément votre objectif, sans perte ni fracas.

« L'efficience est de l'ordre de l'invisible ou du presque invisible. L'efficience cause un minimum de friction avec le réel. Elle procède d'une logique de coopération et fonctionne suite à une douce et habile mise en condition (de légères actions) en amont. L'efficience ne rejette ni ne nie l'efficacité, elle l'intègre, mais en minorant sa place. Elle a pour but (pour essence?) de réduire les périodes d'affrontement direct. Elle est volonté de transformation silencieuse. » (De l’efficacité à l’efficience : la nouvelle voie du muscle 15/02/12)

N’avez-vous jamais entendu dire : « Attend, c’est normal qu’il réussisse ce qu’il entreprend ! Tu as vu dans quelles conditions il est ?! » ?

Giorgio Nardone
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Conclusion

Résumons brièvement : l’individu contemporain est soumis à une exigence d’autonomie, et il semblerait que le Constructivisme s’avère particulièrement adapté pour y répondre. En effet, celui-ci permet
De critiquer/dépasser les solutions inadéquates
De prendre plus aisément ses décisions, par la formation d’un projet de vie global
D’atteindre plus aisément ses objectifs, grâce à une logique de coopération (efficience).

Pour finir, j’aimerais replacer cet article dans la continuité de ceux rédigés par Olivier, en réalisant quelques ouvertures sur des concepts appelés à être développés prochainement, notamment dans « Discours sur les méthodes ».
Nous avons vu qu’envisager les relations entre nos différentes sphères d’activité permettait de mieux les coordonner, afin d’atteindre plus aisément notre objectif de vie. Mais nous ne sommes pas seul. Il y a autour de nous des gens qui cherchent également à réussir leur propre projet de vie. C’est pourquoi un bon projet de vie, est un projet qui prend en compte les projets de ceux qui nous entourent, qui se subordonne lui-même à un projet plus global, au niveau de la société. A partir de là, la coopération avec les autres devient possible et même salvatrice.
Mais comment coopérer au mieux avec autrui ?
C’est la communication qui nous relie les uns aux autres. Ainsi, si nous souhaitons obtenir des échanges de qualité, il nous faut disposer d’un langage souple, suffisamment riche pour pouvoir s’adapter à des interlocuteurs divers, à des contextes divers. Il nous faut un langage complexe.

La société demande à l’individu d’être compétent dans de nombreux domaines. Néanmoins, même si les outils constructivistes s’avèrent particulièrement libérateur, il n’est pas possible d’être un spécialiste en tout.

« Ce qui va nous manquer, ce sont des méthodes, c’est-à-dire des outils capables de nous prendre en charge jusqu’à l’obtention du but final, en un minimum de temps. Ceci progressivement, sans nous étouffer » (Méthode de nutrition p.31)

Par conséquent, creuser le concept de méthode, l’approfondir, permettra à chacun de se libérer et de libérer autrui.


Françoise Kourilsky
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Siegfried Schmidt
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Olivier Lafay

La construction d'un modèle alternatif (autorégulation, boucle, efficience) - Part I

lundi 22 octobre 2012 à 18:49

Les « limites » naturelles que l'on peut atteindre en pratiquant la musculation n'ont guère changé en 200 ans. Ainsi, un sportif d'environ 1m80, qui pratique la musculation traditionnelle, peut espérer atteindre 43 cm de bras, au bout de nombreuses années d'efforts acharnés. Très exceptionnellement, il atteindra 45 cm.
Cet article, en trois parties, explique pourquoi si peu de pratiquants de la musculation traditionnelle atteignent de telles mensurations (et les performances qui vont avec). Il s'agit d'une élite, dont les membres sont célébrés comme autant de héros légendaires. Vous verrez qu'il existe des liens étroits entre élite, no pain no gain et limites naturelles.
L'article explique aussi pourquoi la Méthode Lafay a pu démocratiser l'accès à ces limites, permettant à de nombreux sportifs d'atteindre rapidement 42 cm, avec un investissement physique et psychologique relativement peu important. Vous disposerez alors d'indices clairs sur les raisons qui font que la Méthode Lafay permet également de repousser ces limites naturelles.
Nul besoin d'être un guerrier du muscle pour réussir.
Pour finir, vous comprendrez mieux les liens irréductibles entre dopage (drogues de la performance) et musculation traditionnelle.



Chaque jour, ce que nous faisons construit notre destin. Nos pensées et nos actions forgent notre histoire.
D'où l'importance de bien savoir ce que nous faisons et comment nous le faisons.






Le nombre de commentaires de l'article Cédric Villani et le Constructivisme, publié le 30 août 2012, est inégalé à ce jour (plus de 250). Parmi ceux-ci, l'on trouve plusieurs fois des questions relatives à la notion d'autorégulation, que l'article aborde rapidement.

L'un des participants, Denis, intervenant régulier sur les espaces internet liés à la Méthode, a abordé le sujet lors d'une conversation privée, dans l'idée de le développer auprès des lecteurs. Je lui ai alors transmis des éléments destinés à nourrir sa réflexion (idées, références) et lui ai laissé la charge de les assembler.
Denis est déjà l'auteur d'un article de qualité, particulièrement bien reçu par le public : Boucle et Mini boucle, reloaded.

Mais avant de vous livrer sa prose, je désire au préalable éclairer la réflexion en définissant rapidement le cadre dans lequel elle va s'exercer. Et, pour ce faire, je vais commencer par reprendre la terminologie de Siegfried Schmidt, constructiviste radical.

Avez-vous déjà songé au fait que, pour chaque « position » que vous prenez au cours de votre vie, il existe nécessairement une « présupposition »?
« Quoi que nous fassions, nous le faisons sous la forme d'une position : nous faisons ceci et pas autre chose. »
Et nous pensons, et nous agissons, toujours sur la base de présuppositions généralement inconscientes. Celles-ci sont constituées de nos expériences passées et de nos apprentissages. A l'arrière-plan de la conscience, rangées dans des cases, se trouvent des informations sur ce que l'on doit ou ne doit pas faire; et comment le faire.
Nous ne sommes pas des dieux qui créeraient ex-nihilo les conditions de leur existence. Nous ne sommes pas « libres ». Nos valeurs, nos pensées, nos actes sont les fruits d'une histoire, elle-même générée et encadrée par des programmes culturels.

Ces programmes sont les produits du tri et du stockage par la société de solutions qui se sont avérées (ou que l'on a pensé) valables à un moment donné, face à divers problèmes.
Ainsi, par la culture, nous disposons d'un « stock de solutions » pour répondre à nos questions sur :
- le sens de la vie;
- la manière de comprendre et gérer les relations humaines;
- la manière de se gérer soi-même;
- la manière de régir le corps et l'esprit;
- le rapport idéal à l'environnement;
- la manière de transformer le monde (artisanat, industrie, architecture, agriculture, etc).

Le stock disponible pour chacun est plus ou moins vaste selon les époques, les groupes sociaux, le sexe, l'âge, l'éducation reçue. La précision et la pertinence de nos réponses aux sollicitations de la vie dépendent de nos conditions d'accès à un stock de solutions important et diversifié.



Lorsque nous décidons de nous muscler, nous le faisons relativement à cette culture qui nous construit depuis l'enfance. Nous nous structurons à partir des modèles qu'elle impose et des pratiques qu'elle propose. C'est la culture qui dicte le désir d'avoir du muscle et qui informe des outils et comportements permettant d'y parvenir. Elle le fait parce que, en tant que « programme », elle intègre le muscle comme une possible solution à nos problèmes existentiels.
Nous sommes alors dirigés vers un milieu désigné a priori comme pourvoyeur de solutions concrètes, a priori apte à faire de la solution fantasmée une solution effective. Nous sommes littéralement aspirés par un milieu culturel dominant spécifique, que l'on peut décrire comme un ensemble de codes, de valeurs, d'outils, de solutions, dont la finalité est de produire du muscle.

La culture de la musculation régit :
- ce que l'on doit penser de la musculation (son intérêt, les solutions qu'elle est censée apporter);
- l'entraînement (le lieu idéal, le matériel qui est choisi, les exercices, les programmes, la gestion du repos);
- l'attitude mentale à l'entraînement et en dehors des entraînements (l'état d'esprit demandé pour être considéré comme un bon pratiquant – autrement dit : l'investissement psychologique requis, la gestion de l'effort).

Ainsi, avant même de débuter un entraînement de musculation, nous avons en nous un a priori, qui n'est qu'en partie conscient, sur le pourquoi et le comment de la musculation. Le formatage commence avant même d'entrer dans une salle de musculation et celle-ci (associée aux médias spécialisés) va l'achever.



La tradition culturelle, en musculation, reflète les enjeux de la société contemporaine. C'est-à-dire que l'on retrouve dans le domaine exclusif du muscle les valeurs dominantes de notre société, celles qui déterminent nos actions, et qui vont donc déterminer les modèles permettant de résoudre le problème de la transformation corporelle.

La thématique essentielle, autour de laquelle s'agrègent ces valeurs, la soutenant et la guidant, est celle de la performance, qui affecte tous les aspects de la vie de l'individu. On peut même parler de culte de la performance tant l'exigence est prégnante, incontournable. Ce culte est la conséquence d'un processus historique, ayant provoqué l'émergence des libertés individuelles et culminant dans le devoir d'être soi.

Durant les deux derniers siècles, le modèle traditionnel de société, qui encadrait le devenir de l'individu, a progressivement vacillé, contraignant peu à peu ce dernier à devoir inventer sa vie, faute de pouvoir continuer à compter sur le chemin tracé par les ancêtres.
Forcé à la mobilité, coupé de ses racines, happé par l'usine, engagé dans des collectivités nouvelles et devenant citoyen, l'individu s'est vu attribué une identité; et ses responsabilités vont, dès les années cinquante, dès son entrée dans la société de consommation, se multiplier et se diversifier très rapidement. En devenant acteur du social et de sa vie, il est constamment tenté et sollicité. Ce qu'il est et ce qu'il peut être devient une question, son identité devient un enjeu.

En entrant dans une société d'abondance, nous sommes devenus acteurs de nos vies. La généralisation du confort et des loisirs laissent du temps pour penser à soi, pour se donner de l'importance. Nous sommes alors amenés à faire des choix afin de décider des modalités d'expression de notre importance et de notre singularité, que ce soit au niveau matériel ou spirituel, car nous sommes également entrés dans un monde incertain, où le progrès technologique bouleverse sans cesse l'environnement et les traditions, et où la religion d'état recule, concurrencée par d'autres valeurs spirituelles. Cette perte de repères contraint à se positionner, égarés que nous sommes par cette perte des repères, autrefois donnés d'emblée par une tradition sans équivoque.



Au niveau social, nous devons également être acteurs, non seulement parce que nous sommes citoyens, mais aussi parce que nous avons vu des perspectives d'évolution s'ouvrir pour nous et notre descendance. En cherchant à évoluer, à intégrer des groupes très divers, nous devons faire des choix constants, nous devons nous adapter rapidement, prendre les bonnes décisions, en concurrence avec d'autres individus animés par les mêmes aspirations de changement personnel et familial, et de valorisation de soi. Nous sommes alors amenés à tester des modèles, à rechercher dans le stock de solutions fournies par la culture de quoi inventer notre modèle propre, notre identité.
L'individu contemporain est soumis à une exigence d'autonomie.

L'obligation d'adaptation permanente, si elle est émancipatrice, est également source d'un grand stress. C'est une tension énergivore, qui paraît irréductible, où l'esprit n'est jamais complètement en repos, et qui cause donc une grande souffrance intérieure. Sauf à abandonner volontairement le terrain de la confrontation à soi et aux autres, l'incapacité à se dépasser soi-même est vécue comme un échec personnel, auquel s'ajoute un jugement social négatif. L'inadapté est rejeté. La solution, lorsque l'on ne peut ni éradiquer, ni fuir ce stress, est de le revendiquer. On va donc théoriser l'acceptation de la souffrance, afin de se montrer, à soi-même et aux autres, comme étant le maître de sa vie. On cherche un compromis qui permet d'être officiellement l'associé de sa souffrance, plutôt que de donner l'impression d'en être la victime, ce qui est socialement inadmissible.
C'est donc une double et formidable pression qui s'exerce sur l'individu contemporain : il est contraint de lutter pour être... et de (se) dire qu'il aime ça.

Lorsqu'il s'agit de théoriser l'acceptation de la souffrance, nous le faisons tout naturellement, en nous appuyant sur le stock culturel à notre disposition. Nous nous racontons une histoire, faite de l'association de divers éléments culturels, puisés dans notre univers privé ou lors de rencontres (école, tv, sport, cinéma, politique, arts, romans de SF ou de fantasy, essais, littérature).



L'histoire dominante de notre société, celle que la plupart des gens se racontent, ressemble à peu près à cela :
L'accès à l'information, pour tous, a rendu le monde petit, transparent, et a mis en relief son absurdité. Si autrefois, l'individu devait traverser une « vallée de larmes » (psaume 84) avant de pouvoir entrer dans la maison de Dieu, il n'est plus certain que cette traversée mène à la vie éternelle. Désemparé face à la mort de Dieu (Nietzsche), l'individu se révolte contre sa mortelle condition (Camus), et décide de lutter, en repoussant toujours les limites, en s'inventant un sens, au travers du dépassement constant de soi, pour accéder au surhomme. Il imite le christ, se sacrifiant pour accéder à un au-delà de lui-même. En s'imposant la douleur, en s'imposant de multiples épreuves desquelles il espère au final triompher (épopée), il échappe ainsi à l'ordre naturel de la soumission au monde, et récolte comme prix suprême le sentiment de maîtriser sa vie. C'est lui qui décide...
Mais les impondérables, le chaos qui règne sous les formes stables, l'affaiblissement programmé et visible de toute forme de vie, lui font conjointement ressentir qu'il est le jouet de forces qui le dépassent (tragédie). La fin de l'aspirant surhomme sera tragique, lorsque ce héros auto-désigné perdra la vie dans un dernier combat inégal, n'ayant pu repousser assez loin les limites, transmettant alors le flambeau aux suivants, la tâche de poursuivre la mission de l'homme révolté.

Les croyants sont épargnés par une partie des angoisses de l'homme occidental contemporain, mais ils n'en sont pas moins, pour la plupart, soumis à cette nécessité d'adaptation permanente et en recherche d'une réalisation héroïque de soi.

C'est dans cette histoire, plus ou moins bien affinée, référencée et racontée selon les personnes, que s'enracine une théorisation de l'acceptation sous forme de devise : no pain no gain. Cette formule, couramment usitée en musculation, synthétise en quelques mots deux conceptions de notre rapport à la souffrance. Dans la première conception, la souffrance accompagne inévitablement le progrès (GAIN with PAIN). Dans la seconde, la douleur précède le progrès (PAIN puis GAIN).

Le no pain no gain est un symptôme, il n'est nul besoin de le connaître, ou de le revendiquer pour lui être soumis, puisque nous sommes malgré tout soumis, par défaut, aux valeurs qui le constituent.
La norme prégnante du surhomme, du héros, de celui qui doit inventer sa vie et repousser les limites, conduit tout naturellement les gens à aborder la musculation sous l'angle du no pain no gain. Ils pratiquent plus ou moins consciemment un culte de la performance et de l'héroïsme où l'on croit que la souffrance doit envahir l'action, en accompagnant, ou même en précédant, tout progrès.

Cette adhésion sans recul aux valeurs dominantes de la société n'est pas sans conséquences. Le dépassement de soi dans la douleur, intégré comme norme comportementale, nous conduit à considérer que l'adaptation de l'organisme ne se fera que s'il subit un stress très important, renouvelé très régulièrement. Il s'agit de forcer l'adaptation. C'est en s'adaptant à la douleur qu'on lui cause que notre corps atteindrait la beauté et produirait des performances.
Cette approche comporte un double risque énantiodromique :
- l'auto-destruction physique et psychique (au lieu de la construction de soi);
- la diminution de l'énergie nécessaire à notre rayonnement dans le monde (au lieu d'un accroissement de nos capacités d'adaptation).



Autodestruction : si la beauté et l'athléticité peuvent surgir, au moins temporairement, de l'application d'un stress constant et colossal, il n'en est pas de même de la santé. Le corps s'use sous les poids lourds, sous les tensions extrêmes. Le corps s'use sous la pression, il cède, il craque. L'athlète se blesse, et devient parfois invalide. Avec l'âge, les articulations, les tendons, ainsi que la colonne vertébrale, abîmés par l'entraînement intensif, condamnent la possibilité de réaliser des efforts suffisants pour maintenir la masse musculaire. La régression s'installe.
En musculation, la volonté de se vaincre soi-même ne mine pas seulement le corps, elle perturbe aussi l'esprit, qui ploie sous ses obsessions et ses échecs. Les désordres psychologiques s'installent.

Diminution de l'énergie nécessaire à notre rayonnement dans le monde : le no pain no gain est énergivore et chronophage. Non seulement l'application d'un stress régulier et important demande du temps et de l'énergie, mais la récupération des effets de ce stress demande aussi du temps et de l'énergie. Avoir mal, cela fatigue... Cela réduit d'autant plus le potentiel énergétique que l'on pourrait consacrer à d'autres activités. Notre rayon d'action s'en trouve diminué.
La musculation était censée procurer davantage de pouvoir sur soi et sur le monde, mais c'est le contraire qui se passe. Notre énergie vitale est aspirée vers la construction de force musculaire, qui peut devenir un but en soi. La musculation, qui se présentait à nous comme une solution, est devenue un problème, et cela qu'elle nous blesse un peu, beaucoup, temporairement ou à vie. Elle est devenue un handicap social car l'énergie utilisée pour pratiquer la musculation, et en gérer les conséquences, n'est pas utilisée ailleurs.

Ainsi, sauf à vouloir consciemment jouir d'une vie consacrée exclusivement à la construction de muscle sur un mode héroïque, l'entraînement selon le no pain no gain s'avère contre-productif. Le stress considérable qu'il ajoute aux pressions nées de la poursuite d'autres objectifs est inutile et nuisible. La volonté de « tout donner » en musculation, d'aller au bout de soi-même, s'oppose à l'idée d'une gestion raisonnée du stress, permettant de durer, de s'adapter plus aisément, de réussir.
Lorsque l'on veut se réaliser pleinement, et mettre pour cela toutes les chances de son côté, lorsque l'on veut devenir le héros de sa vie, il est préférable de ne pas chercher à être un héros en musculation.
Ceci est valable même pour le compétiteur sportif, qui a tout à gagner à pratiquer une musculation génératrice de performances, mais non aliénante.

La création d'un modèle autre, non-héroïque, qui évacue de l'entraînement le culte de la performance, s'avère incontournable. Inattendu, n'allant pas de soi, il se présentera nécessairement sous la forme d'un programme culturel alternatif, constitué d'idées neuves, de valeurs autres et de moyens d'exécution différents.



La culture, ce sont des programmes enregistrés et disponibles, mais aussi des solutions envisageables/alternatives:
« la culture peut être envisagée sous une double perspective :
- comme la totalité de toutes les applications de programmes réalisées à un moment bien déterminé et dont nous pouvons disposer comme connues (tradition);
- comme horizon ouvert de projets de programmes alternatifs et réalisables et d'applications de programmes (innovation). »

( Siegfried Schmidt)

Le rapport entre tradition et innovation détermine la dynamique culturelle. En musculation, cette dynamique culturelle s'est manifestée par des changements de forme, mais non de fond. La musculation avec haltères et machines a vu surgir à ses côtés des formes alternatives où l'utilisation du poids de son corps prime. Les sportifs sont sortis des salles, réhabilitant la gymnastique et l'effort rustique. Mais les valeurs qui sous-tendent la définition de l'objectif et l'investissement physique et psychologique n'ont guère été questionnées, ceci par manque de recul sur le conditionnement culturel de la pratique, qui conduit à toujours utiliser le même fond, quelle que soit la forme.

En psychologie constructiviste, on appelle cela un changement de niveau 1 : la modification s'opère au niveau des éléments du système (la culture du muscle forme un système). Des pratiques nouvelles apparaissent, mais les valeurs centrales restent identiques. Performance et apparence, pour être remarquables, demandent un engagement total de la part du pratiquant, qui aborde l'entraînement sur un mode héroïque.

Dans un changement de niveau 2, c'est le système lui-même qui se modifie ou qui est modifié.
En intégrant des informations sur la nature du système, sur son fonctionnement, nous modifions notre appréhension de la réalité, ce qui nous conduit à fabriquer de nouveaux outils pour intervenir avec succès dans cette réalité.
La Méthode Lafay est le fruit d'un changement de niveau 2, qui introduit une nouvelle forme de pratique de la musculation. Le no pain no gain est évacué. Il est possible d'atteindre des performances et une apparence remarquables, sans un engagement total dans l'entraînement, et en replaçant celui-ci dans un cadre plus vaste, qui améliore sa gestion et favorise un épanouissement global (maîtrise facilitée de la trajectoire de vie).

Chaque pratiquant a à sa disposition un cadre conceptuel et des programmes d'action qui permettent de substituer la coopération avec soi à la compétition avec soi. C'est un changement de paradigme radical, qui bouleverse la tradition culturelle du muscle. Les résultats de plus en plus nombreux d'athlètes, démontrent que la coopération avec soi donne de meilleurs résultats, à moindre coût énergétique et en évacuant le dopage. Il existe une alternative au no pain no gain, bien plus productive : l'efficience.


Deux autres parties vont suivre. Dans la partie II, la thématique de la coopération (avec soi) sera davantage creusée au travers d'une analyse des rapports entre adaptation et autorégulation. On y parlera d'homéostasie, d'autorégulation, de régulation, de perturbations, repli sur soi, combat, souffrance, médecine, etc. La partie III sera constituée par le texte de Denis (pratique concrète).






Références :
Alain Ehrenberg : Le culte de la performance, l'individu incertain, la fatigue d'être soi.
Jean-claude Kaufman : l'invention de soi.
Siegfried Schmidt : histoires et discours.
François Jullien : traité de l'efficacité.
Michael White : les moyens narratifs au service de la thérapie.
Alice Miller : c'est pour ton bien.
Hannah Arendt : la crise de la culture, jugement et responsabilité.
Edward Hall : au-delà de la culture.
Jean-Louis Le Moigne : la modélisation des systèmes complexes.
Paul Watzlawick : bibliographie complète.

Photos de Marcos0415 (vainqueur du Challenge TNT dips) suivies de celles de Vincent Sly (N°5 au Firefighter Combat challenge).

Posté dans Philosophie
Olivier Lafay